Israël Magazine n° 88 de Juin 2008 par Amnon Danan
NDLR : A nos amis chrétiens, il ne s’agit pas de judaïser en communiquant cet article, mais simplement de montrer certains parallèles entre la pensée Juive ancienne et actuelle, les contradictions entre les groupes religieux Juifs (comme entre les groupes chrétiens), les fausses attentes, les abberations…Israël est en pleine recherche de la paix (du monde) et désire être une nation comme les autres, alors qu’il devrait rechercher la Paix de Son D.ieu.
Voici la prière pour l’Etat d’Israël faite en public, le samedi matin au moment de la sortie du rouleau de la Torah, dans toutes les synagogues « sionistes » aussi bien en Israël qu’en diaspora. On peut la trouver, « en standard », dans maintes éditions des livres de prières paraissant en Israël et ailleurs (nous l’avons traduite de l’hébreu sur une de ces éditions, où elle est incluse).
« Notre père qui êtes aux cieux. Rocher et Sauveur d’Israël, bénis l’Etat d’Israël, la pousse de notre délivrance, protège-le sous l’aile de Ta miséricorde. Etend sur lui la couverture de Ta paix et envoie Ta lumière et Ta vérité à ses dirigeants, ses ministres et ses conseillers ; Amende-les de Ton bon conseil. Renforce les mains des défenseurs de notre sainte terre, communique-leur Ton salut et couronne-les de victoire. Donne la paix sur la terre et une joie éternelle à ses habitants. Et, tous nos frères de la maison d’Israël, là où Us sont éparpillés parmi les nations, de grâce. Souviens-t’en, tout comme l’annonce le verset de la Torah de Moïse ton serviteur : Tes proscrits, fussent-ils à l’extrémité des deux, l’Éternel, ton Dieu, te rappellerait de là, et là même II irait te reprendre. Et II te ramènera, l’Éternel ton Dieu, dans le pays qu’auront possédé tes pères, et tu le posséderas à ton tour ; et II te rendra florissant et nombreux, plus que tes pères. Deutéronome, 30, versets 4 et5 Dispose notre esprit à aimer et respecter Ton Nom, à étudier aussi toutes les paroles de Ta Torah. Envoie-nous promptement le descendant de David, le messie oint de ta justice pour délivrer tout ceux qui espèrent Ton salut. Apparais dans toute la splendeur majestueuse de Ta force à tous les habitants de l’Univers, Ta terre, et que toute âme vivante puisse enfin dire: le Nom (Hachent), Dieu d’Israël, est Roi et Sa royauté s’étend partout. Amen ». Il est intéressant de mettre cette prière (ou cette expression de notre volonté), écrite par le grand rabbinat d’Israël, en regard du « modèle » messianique de la tradition juive, tel que l’a résumé admirablement Maïmonide. dans les deux derniers chapitres de la toule dernière partie (traitant des lois relatives aux rois d’Israël), concluant son œuvre de codification monumentale, Michné Torah. Voici ce qu’il y écrit (notre traduction de l’hébreu) : « Qu ‘il ne vienne pas à l’esprit que quoi que ce soit dans les lois régissant le monde fût destiné à disparaître à l’époque messianique ou qu’une nouveauté fût destinée à y apparaître dans l’œuvre de la création : non. le monde continuera de fonctionner selon son habitude. Et. ce que dit le verset d’Isai’e 11.6- …le loup habitera avec la brebis, et le tigre reposera avec le chevreau, n’est qu’une métaphore, une allégorie, dont le sens est qu’Israël cohabitera en sécurité avec les méchants idolâtres qui sont comparés aux loups et aux panthères : ..Je loup des steppes arides s’acharne sur eux, la panthère est tapie près de leurs villes Jërémie 5, 6. Tout le monde finira par revenir à la loi de vérité. Ils ne voleront ni ne détruiront plus, mais ils mangeront ce qui leur revient en paix avec Israël, comme l’annonce le verset Isaïe 65. 25 – …le lion comme le bœuf mangera de la paille… Toutes les analogies aux choses dans ces versets concernant le Messie ne sont que métaphores. Et, au temps du Roi Messie, tout le monde saura à quoi chacune de ces métaphores se référé et à quoi fa il elle allusion. Les sages ont dit qu’il n’y a de différence entre ce monde-ci et le monde futur que l’asservissement d’Israël par les nations… En ce temps là, il n’y aura plus ni faim, ni guerre, ni jalousie, ni concurrence. Car, il y aura beaucoup d’abondance, et toutes les friandises seront aussi disponibles que la poussière. le monde ne s’occupera plus alors que d’approfondir la connaissance du Nom Hachent… ».
La tradition juive exprime bien là, à traver Maïmonide, une vision des temps messianique comme temps paisibles où les biens matériel. et la nourriture seront abondants pour tous et 01 le peuple d’Israël rassemblé vivra sur sa terre ei paix ci en sécurité parmi les nations du monde sans crainte de guerres ni de violences. C’est uni vision rationnelle, dans l’ordre des choses 01 « naturelle », par rapport au déroulement dt l’histoire du monde et son aboutissement… La prière du rabbinat d’Israël citée plus haut s’et inspire largement puisqu’elle voit en l’Etat d’Israël actuel un début de ces temps paisibles, un bourgeonnement de rédemption, une pousse, en faveur de laquelle elle s’adresse au Très Haut afin qu’il lui accorde Sa protection. En effet – et c’est bien là le sens de cette prière -, une pousse peut rater son arrivée à maturité et mourir avant d’accomplir sa promesse : devenir un arbre fruitier, une belle plante bien enracinée. Et c’est du reste ce que nous autres, Juifs sionistes de tous bords, souhaitons à l’Etat d’Israël dans nos prières pour qu’il puisse arriver enfin à la paix et la sécurité auxquelles il aspire tant, qu’il devienne un bel arbre bien enraciné dans sa terre rassemblant tous ses membres dispersés… Que cessent les tirs des Kassams, qu’il soit enfin reconnu par ses ennemis, que, surtout, il y règne la solidarité, la générosité et la justice sociale (« hessed », « tsedaka ». « mishpat »).
Le Maharal de Prague et l’exil
Mais comment y arrive-t-on ? Si on suit la perspective eschatologique, extrémiste de certains groupes ultraorthodoxes comme les, « Natourei Kaita », on n’y arrivera jamais… Tout simplement parce que, dixit le rabbin Yoël Taïtelbaum, chef spirituel d’un de ces groupes, « on ne peut espérer en aucune autre délivrance hormis celle qit ‘apportera notre Roi Messie, David » (dans « Délivrance et Substitution », page 24 ; ouvrage écrit après la guerre des Six jours, qui reprend tous les thèmes développés dans son précédent livre principal intitulé « Vayoël Moshé » résumant toute sa pensée antisioniste). C’est pourquoi, pour ces groupes juifs (minoritaires), situés à la pointe de l’extrême gauche de l’échiquier politique, faire une telle prière en faveur de l’Etat d’Israël actuel est strictement hors propos, sans même parler d’en écrire une pour son salut – sacrilège, furieusement inenvisageable. Il n’y a qu’à lire les phrases prises au hasard tout au long de l’ouvrage cité (où les sionistes sont considérés, entre autre, comme des « méchants, descendants d’Amalek… ». page 109) pour comprendre que la seule façon d’y arriver est tout simplement d’attendre la venue de David, le Roi Messie.
Mais, la tradition juive nous offre une toute autre perspective d’espérance messianique (majoritaire) pour y arriver. Elle s’insère « naturellement » dans la marche normale de l’histoire et va dans le sens de notre volonté, telle qu’exprimée par la prière pour l’Etat d’Israël. C’est la perspective du Maharal de Prague, du Gaon de Vilna, du Rav Kook et, plus près de nous, de Manitou (Rav Léon Ashkénazi), d’Emmanuel Levinas… D’immenses penseurs du peuple juif. Le Maharal de Prague (1526 -1609), plus de trois cents ans avant la création de l’Etat d’Israël, au tout premier chapitre de son ouvrage Nétzah Israël (Éternité d’Israël) prédit que l’exil se terminera nécessairement parce qu’il est « un dérèglement de la nature », et qu’il ne convient pas « selon l’ordre du monde » que la nation juive, soit éternellement soumise à la domination d’autres nations. Sa vision dans cet ouvrage fait école parmi les penseurs qu’on vient de citer et bien d’autres encore.
- «… l’exil lui-même est une preuve claire de la délivrance puisqu’il est indubitablement un dérèglement de la nature, étant donné que leNom Bénit Soit-ll a disposé chaque peuple à la place qui lui convient el a également placé le peuple d’Israël à la place qui lui convient – à savoir. la terre d’Israël. L’exil est donc un
dérèglement complet de cet ordre des choses., il est par conséquent appelé à prendre fin, forcément, comme toute chose qui déborde de son ordre naturel…
- …De même, la dispersion n’est pas naturelle… et, comme tout être sensé le comprendrait, les parties d’un ensemble finissent obligatoirement par se rassembler… de même la dispersion du peuple d’Israël parmi les nations n’est pas naturelle… ses parties dispersées finiront forcément par se rassembler pour ne former
plus qu’un seul ensemble… tout comme les ruisseaux qui se rejoignent dans la mer…, non pas à cause d’une quelconque faute ou péché…
- … Il ne convient pas, selon l’ordre du monde qu’une nation asservisse une auti-e nation car le Nom Bénit Soît-Il a créé chacune pour elle même… il ne convient pas qu’une nation soit sous la domination d’une auti-e… La domination des nations sur Israël finira par cesser car c ‘est un dérèglement de l’ordre naturel des choses…
C’est pourquoi nous pouvons déduire la délivrance de l’exil… »
II est remarquable de constater que le Maharal ne fait ici, dans ces trois arguments messianiques sur la fin de l’exil et le rassemblement du peuple juif, aucune référence ni à la théologie, ni à quelconque verset de la Torah, ni à la mystique… Pour lui. la rédemption du peuple est d’emblée inscrite dans l’histoire du monde et celle-ci ne saurait être en dérèglement permanent, le peuple juif finira donc, obligatoirement, par retrouver sa place parmi les nations du monde… et c’est précisément ce qui s’est passé il y a 60 ans avec la création de l’Etat d’Israël.
Il reste tout de même à transformer l’essai historique en réussite messianique ; il reste à aider notre prière à se réaliser. La pousse a certes retrouvé sa terre, sa souveraineté nationale et sa langue, mais elle est toujours en deçà de la promesse d’un bel arbre plein d’espérance. Il lui faudrait encore permettre à chaque membre du peuple qui la constitue d’échapper à la fatalité de l’agrégat et à la domination du Tout anonyme en retrouvant sa justice, sa justice sociale, sa solidarité et sa générosité, afin qu’émergé un corps social fraternel contre lequel ses ennemis seront impuissants, qui produira de l’abondance, et constatera que toutes les friandises seront aussi disponibles que la poussière, comme aux temps messianiques…
Bon anniversaire Israël. !
{ 3 commentaires… lisez-les ci-dessous ou ajoutez-en un }
François,
Tu m’as fait rire. C’est juste la faute qui t’a frappé dans l’article.
Le Seigneur vous bénisse !
Permettez-moi de vous faire remarquer une faute d’orthographe dans le titre: il n’y a pas d’accent grave sur a. Il s’agit du verbe avoir.
Comm. très pertinant Pete – Pour ce qui est de répondre Seb c’a s’en vient – l’internet n’est pas ma priorité, j’ai des obligations. As-tu un travail Seb? Que fais-tu dans la vie?
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