Vous êtes nouveau ici? Pensez à laisser un commentaire, votre avis nous intéresse !
Drzz info
En se radicalisant contre Israël, le gouvernement Erdogan croit rassembler l’opinion publique autour de lui. Mais c’est peut-être une erreur de calcul.
PAR MICHEL GURFINKIEL
_________
« Comment une alliance de soixante ans a-t-elle pu si mal tourner ? Que s’est-il passé pour que la Turquie et Israël soient désormais des ennemis, pratiquement en état de guerre ? »
C’est la question que pose, le 2 juin, Hikmet Bila, un éditorialiste du journal nationaliste turc Vatan. Après quelques phrases de rigueur sur le « terrorisme d’Etat » israélien (l’arraisonnement au large de Gaza, deux jours plus tôt, d’une flotille « humanitaire » battant pavillon turc), il souligne la responsabilité du gouvernement d’Ankara : « Nous donnons désormais l’impression d’avoir abandonné notre approche pro-occidentale en politique étrangère, et de passer rapidement d’une politique équilibrée à un alignement sur l’axe Iran-Hamas. » Et de conclure : « Cette attitude suscite l’enthousiasme sur le plan intérieur. Mais à terme, elle peut se révéler désastreuse. »
La Turquie moderne a quatre-vingt-dix ans. Son fondateur, Mustafa Kemal (qui devait prendre par la suite le nom de Kemal Atatürk), avait réussi à préserver au début des années 1920, dans les décombres de l’Empire ottoman, un Etat-nation réduit à l’Anatolie et à la Thrace orientale, mais relativement homogène sur le plan ethnique et religieux. Il lui avait imposé une constitution républicaine, un régime laïque, un mode de vie européen et un alphabet latin. En politique étrangère, il avait fixé cinq règles absolues : ne tenir compte que de l’intérêt national de la nouvelle Turquie ; renoncer à toute nostalgie impériale ; tourner le dos à l’Orient ; s’intégrer à l’Occident ; ne pas se laisser entraîner dans des conflits régionaux ou mondiaux.
Kemal Atatürk est mort en 1938. Sa politique étrangère – que résumait le slogan « Paix à l’intérieur, paix à l’extérieur » – a été poursuivie tout au long du XXe siècle. Un exécuteur testamentaire zélé y a veillé : l’armée, véritable maîtresse du pays au-delà de divers gouvernements civils. La Turquie est restée neutre, en dépit de quelques tentations pro-allemandes, pendant la Seconde Guerre mondiale. Après 1945, elle a renforcé son ancrage occidental en adhérant à l’Otan et au Conseil de l’Europe, et en faisant acte de candidature à l’Union européenne. En Méditerranée orientale et au Moyen-Orient, elle s’en est tenue à l’« égoïsme national » le plus strict : si elle n’a pas hésité à envahir Chypre en 1974 ou à faire des incursions en Irak, dans les années 1980 et 1990, pour y protéger des minorités turcophones, elle s’est gardée de prendre parti dans les querelles israélo-arables, et a même noué une véritable alliance avec Israël à partir des années 1980.
Le fait est que les deux pays semblent alors parfaitement complémentaires. Les Israéliens apportent aux Turcs leur technologie, leurs réseaux économiques : une coopération facilitée, à part de 1997, par un accord bilatéral de libre-échange. Les lobbies pro-israéliens, en Amérique et en Europe, font souvent fonction de lobbies pro-turcs, ce qui permet à Ankara de neutraliser l’influence des diasporas grecque et arménienne. De leur côté, les Turcs apportent aux Israéliens l’espace qui leur fait cruellement défaut : l’aviation israélienne s’entraîne au-dessus de l’Anatolie orientale. A ce « gagnant-gagnant » s’ajoutent des affinités idéologiques : l’Establishment turc voit dans le sionisme une version juive du kémalisme, et les Israéliens invoquent le « modèle turc » – un islam modernisé – quand ils imaginent l’avenir du Moyen-Orient.
{ 1 trackback }
{ 2 commentaires… lisez-les ci-dessous ou ajoutez-en un }
Genèse 12:3:
Je bénirai ceux qui te béniront, et je maudirai ceux qui te maudiront; et toutes les familles de la terre seront bénies en toi.
Je vote oui ou non 15 1
très bon article Merci
Ce commentaire est-il pertinent? 0 0
Vous devez vous connecter pour poster un commentaire.