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Anniversaire de la Réformation: Les indulgences du Pape vendues par Tetzel, un épisode mémorable

2 lectures, par nicolas le 25 octobre 2007 · 1 commentaire

dans la rubrique Histoire de l'Eglise

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Nous sommes en Allemagne au début du XVIème siècle. Une grande agitation régnait alors parmi le peuple. L’Eglise avait ouvert un vaste marché sur la terre. A la foule des clients, aux cris et aux plaisanteries des vendeurs, on aurait dit un marché ou une foire, mais c’était un marché tenu par des moines! La marchandise qu’ils présentaient et qu’ils offraient à bon prix, c’était, disaient-ils, des indulgences pour le salut des âmes.

Les marchands d’indulgences parcouraient le pays dans une belle voiture, accompagnés de trois cavaliers, menant grande vie et faisant de fortes dépenses. On aurait dit un prince en tournée, avec sa suite et ses officiers, et non un vulgaire marchand. Quand le cortège s’approchait d’une ville, un envoyé se rendait auprès des autorités: « La grâce de Dieu et du saint Père le Pape est devant vos portes » disait l’envoyé. Aussitôt c’était le branle-bas dans l’endroit. Le clergé, les prêtres, les nonnes, les maîtres d’école, les étudiants, les corps de métier avec leurs drapeaux, hommes et femmes, jeunes et vieux, allaient à la rencontre des marchands, tenant en main des cierges allumés, s’avançant au son de la musique et de toutes les cloches, « de manière, dit un historien, que l’on n’aurait pu recevoir plus grandement Dieu lui-même.» Les salutations faites; tout le cortège se dirigeait vers l’église. La bulle de grâce du Pape était portée en tête sur un coussin de velours, ou sur un drap d’or. Le chef des marchands d’indulgences venait ensuite, tenant en mains une croix rouge en bois. Toute la procession cheminait ainsi au milieu des chants, des prières et de la fumée des parfums. Le son des orgues et une musique retentissante recevaient dans l’église la procession, la croix qu’il portait était placée devant l’autel: on y suspendait les armoiries du Pape, et pendant tout le temps qu’elle demeurait là, les membres du clergé du lieu venaient chaque jour, lui rendre honneur, en portant à la main de petits bâtons blancs. Cette grande affaire excitait une vive sensation dans les tranquilles cités germaniques. Un personnage attirait surtout l’attention des spectateurs dans ces ventes. C’était celui qui portait la grande croix rouge et qui était chargé du rôle principal. Revêtu de l’habit des dominicains, il se présentait avec arrogance. Sa voix était retentissante, et il semblait encore plein de force, quoiqu’il eût déjà atteint sa soixante-troisième année. Cet homme, fils d’un orfèvre de Leipzig nomme Diez, s’appelait Jean Diezel ou Johann Tetzel. Il appartenait à l’ordre des dominicains. Bachelier en théologie, prieur des dominicains, commissaire apostolique, inquisiteur, haereticoe pravitatis inquisitor, il n’avait cessé, depuis l’an 1502, de remplir l’office de marchand d’indulgences. L’habileté qu’il avait acquise comme subordonné l’avait bientôt fait nommer commissaire en chef. Il gagnait quatre-vingt florins par mois ; tous ses frais étaient payés; on lui fournissait une voiture et trois chevaux ; mais ses gains accessoires, on le comprend sans peine, dépassaient de beaucoup son traitement. En 1507, il gagna en deux jours, a Freiberg, deux mille florins. S’il avait les fonctions d’un charlatan, il en avait aussi les moeurs. Convaincu à Innsbruck d’adultère et de conduite immorale, il fut près d’expier ses vices par sa mort. L’empereur Maximilien avait ordonné qu’il soit mis dans un sac et jeté à la rivière. L’électeur Frederic de Saxe étant intervenu, il obtint sa grâce. Mais la leçon qu’il avait reçue ne lui avait pas profité. Il menait avec lui deux de ses enfants (NDLR: adultérins. les moines faisant voeu de chasteté). Millitz, légat du Pape, cite ce fait dans une de ses lettres. Il aurait été difficile de trouver dans tous les cloîtres de l’Allemagne un homme plus propre que lui au commerce d’indulgences dont on le chargea. A la théologie d’un moine, au zèle et à l’esprit d’un inquisiteur, il unissait la plus grande effronterie; et ce qui lui facilitait surtout sa tâche, c’était l’art d’inventer de ces histoires bizarres par lesquelles on captive l’esprit du peuple. Tout moyen lui était bon pour remplir sa caisse. Enflant la voix, il offrait à tout venant ses indulgences, et savait mieux qu’aucun marchand de foire faire valoir sa marchandise. Quand la croix avait été dressée et que les armes du Pape y étaient suspendues, Tetzel montait en chaire, et d’un ton assuré il se mettait à exalter la valeur des indulgences, en présence de la foule que la cérémonie avait attirée dans le lieu saint. Le peuple crédule écoutait, et ouvrait de grands yeux à l’ouïe des vertus admirables qu’il annonçait. Ecoutons une des harangues qu’il prononçait:

« Les indulgences, dit-il, sont le don le plus précieux et le plus sublime de Dieu. Cette croix (en montrant la croix rouge) a autant d’efficace que la croix même de Jésus-Christ.

Venez, et je vous donnerai des lettres munies de sceaux (les indulgences), par lesquelles les péchés mêmes que vous auriez envie de faire, à l’avenir, vous seront tous pardonnés, Je ne voudrais pas échanger mes privilèges contre ceux de saint Pierre dans le ciel; car j’ai sauvé plus d’âmes par mes indulgences, que l’apôtre par ses discours. Il n’y a aucun péché si grand que l’indulgence ne puisse le remettre; et même, si quelqu’un, ce qui est impossible sans doute, avait fait violence a la sainte Vierge Marie, mère de Dieu, qu’il paye bien seulement, et cela lui sera pardonné (Tetzel défend et maintient cette assertion dans ses antithèses, publiées la même année. Th. 99, 100 et 101.). La repentance n’est pas même nécessaire. Mais il y a plus: les indulgences ne sauvent pas seulement les vivants, elles sauvent aussi les morts. Prêtre! Noble! Marchand! Femme! Jeune fille! Jeune homme! Entendez vos parents et vos proches qui sont morts et qui vous crient du fond de l’abîme : « Nous endurons un horrible martyre! Une petite aumône nous délivrerait ; Vous pouvez la donner, et vous ne le voulez pas! » On frémissait à ces paroles prononcées par la voix formidable du moine charlatan. A l’instant même, continuait Tetzel, Que la pièce de monnaie retentit au fond du coffre-fort, l’âme part du purgatoire et s’envole délivrée dans le ciel (Voir thèse 27 de Martin Luther). O gens imbéciles et presque semblables aux bêtes, qui ne comprenez pas la grâce qui vous est si richement présentée!… Maintenant le ciel est partout ouvert !… Refuses-tu à cette heure d’y entrer? Quand donc y entreras-tu ? … Maintenant tu peux racheter tant âmes! Homme dur et inattentif! Avec douze gros (gros=pièce de monnaie) tu peux tirer ton père du purgatoire, et tu es assez ingrat pour ne pas le sauver! Je serai justifié au jour du jugement mais vous, vous serez punis d’autant plus sévèrement, pour avoir négligé un si grand salut. Je le déclare, quand tu n’aurais qu’un seul habit, tu serais obligé de l’ôter et de le vendre, afin d’obtenir cette grâce… Le Seigneur notre Dieu n’est plus Dieu. Il a remis tout pouvoir au Pape.

Puis, cherchant à faire usage d’autres armes encore, il ajoutait : Savez-vous pourquoi notre très-saint Seigneur distribue une si grande grâce? II s’agit de relever l’église détruite de Saint-Pierre et Saint-Paul, en sorte qu’elle n’ait pas sa pareille dans l’univers (NDLR: Michel Ange était en train de décorer les plafonds de la chapelle Sixtine). Cette église contient les corps des saints apôtres Pierre et Paul et ceux d’une multitude de martyrs. Ces corps saints, par l’état actuel de l’édifice, sont maintenant, hélas continuellement battus, inondés, souilles, déshonores, réduits en pourriture par la pluie, par la grêle…

Ah! ces cendres sacrées resteront-elles plus longtemps dans la boue et dans l’opprobre? » Cette description ne manquait pas de faire impression sur plusieurs. On brûlait du désir de venir à l’aide du pauvre Pape Léon X, qui n’avait pas de quoi mettre à l’abri de la pluie les corps de saint Pierre et de saint Paul. Alors l’orateur s’élevait contre les ergoteurs et les traîtres qui s’opposaient à son oeuvre : « Je les déclare excommuniés! » s’écriait-il. Ensuite, s’adressant aux âmes dociles, et faisant un usage impie de l’Ecriture: «Bienheureux sont les yeux qui voient ce que vous voyez, car je vous dis que plusieurs prophètes et « plusieurs rois ont désiré voir les choses que vous voyez, et ils ne les ont pas vues, et d’entendre les choses que vous entendez, et ils ne les ont point entendues! s’écriait-il. Et pour terminer, montrant le coffre-fort où l’on recevait l’argent, il concluait d’ordinaire son pathétique discours, en adressant à trois reprises au peuple cet appel : Apportez (l’argent)! Apportez! Apportez!

II criait ces mots avec un si horrible beuglement, écrit Luther, qu’on aurait dit un taureau furieux qui fondait sur les gens et les frappait de ses cornes. Quand son discours était fini, il descendait de chaire, courait vers la caisse, et, en présence de tout le peuple, y jetait une pièce d’argent, qu’il avait soin de faire sonner bien fort. Tels étaient les discours que l’Allemagne étonnée entendait aux jours où Dieu préparait Luther. Le discours termine, on se pressait en foule vers les confesseurs. On venait, non pas avec des coeurs contrits d’avoir péché, mais avec une pièce de monnaie dans la main acheter une indulgence. Hommes, femmes, petits, pauvres, ceux même qui vivaient d’aumônes, chacun trouvait de l’argent. Les moines, après avoir expose de nouveau a chacun en particulier la grandeur de l’indulgence, adressaient aux pénitents cette demande : « De combien d’argent pouvez-vous en conscience vous priver pour obtenir une si parfaite rémission? » Cette demande, dit l’instruction de l’archevêque de Mayence aux commissaires, cette demande doit être faite dans ce moment, afin que les pénitents soient disposés au mieux à contribuer. Du reste, c’étaient toutes les dispositions requises. Tetzel et ses compagnons se gardaient bien de faire mention de repentance du coeur et de confession de la bouche: leur bourse serait restée vide. L’instruction archiépiscopale défendait même de parler de conversion ou de contrition. La grâce que nous vous annonçons, disaient les commissaires, d’après la lettre de leur instruction, est le pardon complet de tous les péchés : et on ne peut rien nommer de plus grand.

Pour les péchés particuliers Tetzel avait des tarifs spéciaux d’indulgence: l’autorisation de polygamie se payait six ducats, le meurtre huit ducats, la magie, deux ducats.

Voici une de ces lettres d’indulgence (ou d’absolution), il vaut la peine de connaître le contenu de ces diplômes qui furent l’occasion de la réforme de l’Eglise.

Que Notre Seigneur Jésus-Christ ait pitié de toi, et t’absolve par les mérites de sa très-sainte passion! Et moi, en vertu de la puissance apostolique, qui m’a été confiée, je t’absous de toutes les censures ecclésiastiques, jugements et peines que tu as pu mériter; de plus, de tous tes excès, péchés et crimes que tu as pu commettre, quelque grands et énormes qu’ils puissent être et pour quelque cause que ce soit, fussent-ils même réservés a notre très-saint Père le Pape et au siège apostolique, J’efface toutes les taches d’inhabilite « et toutes les notes d’infamie que tu aurais pu l’attirer à cette occasion, Je te remets les peines que tu aurais du endurer dans le purgatoire. Je te rends de nouveau participant des sacrements de l’Eglise. Je t’incorpore derechef dans la communion des saints, et je te retablis dans l’innocence et la pureté dans laquelle tu as été à l’heure de ton baptême. En « sorte qu’au moment de ta mort, la porte par laquelle on entre dans le lieu des tourments et des peines te sera fermée, et « qu’au contraire la porte qui conduit au paradis de la joie te sera ouverte. Et si tu ne devais pas bientôt mourir, cette grâce demeurera immuable jusqu’au temps de ta fin. Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Amen: « Frère JEAN TEZEL, commissaire, l’a signé de sa propre main. »

Avec quelle habileté des paroles présomptueuses et mensongères sont ici intercalées entre des paroles saintes et chrétiennes! Tous les fidèles devaient venir se confesser dans le lieu même où la croix rouge était plantée. Il n’y avait d’exception que pour les malades, les vieillards et les femmes enceintes.

Mais ces grossiers abus des indulgences amenaient certains à la connaissance du Dieu d’amour et de grâce. Econduit par les marchands d’indulgences qu’il ne pouvait payer, le jeune Myconius sentait en lui un consolateur qui lui disait qu’il y avait un Dieu dans le ciel qui pardonnait sans argent et sans prix, aux âmes repentantes pour l’amour de son fils Jésus-Christ. Ecoutons son témoignage:

Comme je quittais les marchands d’indulgences, le Saint-Esprit toucha mon cœur. Je fondis en larmes, et je priai le Seigneur avec sanglots : O Dieu ! m’écriai-je, puisque ces hommes m’ont refuse la rémission de mes péchés, parce que je manquais d’argent pour la payer, toi, Seigneur, aie pitié de moi et remets les moi par pure grâce! Je me rendis dans ma chambre. Je ne saurais pas décrire ce que j’éprouvai. Je demandai à Dieu d’être mon père et de faire de moi tout ce qu’il lui plairait. Je sentis ma nature changée, convertie, transformée. Ce qui me réjouissait auparavant devint pour moi un objet de dégoût. Vivre avec Dieu et lui plaire était mon plus ardent, mon unique désir.

Ainsi Tetzel préparait lui-même la reformation. par de criants abus il frayait la voie a une doctrine plus pure et l’indignation qu’il excitait devait éclater un jour avec puissance. On en peut juger par l’anecdote suivante.

Un gentilhomme saxon, qui avait entendu Tetzel a Leipzig, avait été indigné de ses mensonges. Il s’approche du moine et, lui demande s’il a le droit de pardonner les péchés qu’on a l’intention de commettre. Assurément, répond Tetzel, j’ai reçu pour cela plein pouvoir du Pape. Eh bien! reprend le chevalier, je voudrais exercer sur I’un de mes amis une petite vengeance, sans porter atteinte à sa vie. Je vous donne dix écus si vous voulez me remettre une lettre d’indulgence qui m’en justifie pleinement. Tetzel fit quelques difficultés : ils tombèrent cependant d’accord de la chose, moyennant trente écus. Bientôt après, le moine part de Leipzig. Le gentilhomme, accompagné de ses valets , l’attendait dans un bois entre Jiiterbock et Treblin; il fond sur lui, lui fait donner quelques coups de bâton et enlève la riche caisse des indulgences que l’inquisiteur emportait avec lui. Tetzel crie à la violence et porte plainte devant les tribunaux. Mais le gentilhomme montre la lettre que Tetzel a signée lui-même , et qui l’exempte a l’avance de toute peine.. Le duc George, que cette action avait d’abord fort irrité, ordonna, a la vue de cet écrit, qu’on renvoyât l’accusé absous.

D’après Histoire de la Réformation (tome 1), Merle d’Aubigné

Lire également:
>>> Histoire de la Réforme française (Info-Bible)


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1 Vuillermoz Raymond 26 octobre 2007 à 12 h 12 min

Voilà qui remue les consciences des hommes honnêtes. Après avoir pris connaissance de cette monstrueuse escroquerie il est plus facile de comprendre la réforme luthérienne.
Au seizième siècle le Code Pénal de Napoléon n’existait pas encore, et l’escroquerie n’avait pas encore été érigée en délit. Ces moines pouvaient s’en donner à coeur joie et soustraire par des manoeuvres
frauduleuses l’argent des pauvres naïf qui les écoutaient.
Ce qui m’étonne dans toute cette affaire crapuleuse c’est qu’on puisse encore se dire catholique après de telles bévues car l’Eglise catholique ne s’est jamais, à ma connaissance, repentie de ce crime.

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