Vous êtes nouveau ici? Pensez à laisser un commentaire, votre avis nous intéresse !
Courrier international
NDLR : cela témoigne, à l’encontre des propos de ceux qui prétendent que les Juifs ne peuvent être patriotes que d’Israël et seraient perfides (oubliant par là, leur combat en tant que Français aux côtés de leurs compatriotes français pendant les guerres) qu’ils aiment les pays qui les respectent et les considèrent comme leur patrie.
Beaucoup ont émigré en Israël après 1948 ou plus récemment. Mais ceux qui restent, qu’ils soient baghdadis ou Bene Israël, considèrent l’Inde comme leur patrie et cherchent à conserver leurs traditions. Le célèbre chef Moshe Shek sait ce que signifie être juif en Inde. Il avait trouvé sa voie sur la Terre promise, mais il n’était pas parvenu à s’y sentir chez lui. Après avoir travaillé à 21 ans dans la cuisine d’un kibboutz en Israël, il est revenu dans son Bombay natal pour parfaire sa formation dans une école hôtelière. Bien des années plus tard, devenu un chef chevronné, il a émigré en Israël et s’y est senti étranger. “Je suis de confession juive, mais de culture indienne, pas israélienne, explique-t-il. Je suis revenu en Inde parce que je m’y sens chez moi.” L’ingénieur informaticien Elkan Palkar en revanche, s’il déclare se sentir chez lui en Inde, veut tout de même émigrer en Israël. “Je projette d’apprendre la langue et de commencer une nouvelle vie dans ma patrie, et, s’il le faut, de me battre pour elle”, confie-t-il.
Pour les 4 480 juifs de l’Inde, dont 80 % vivent à Bombay, la vie est un éternel dilemme entre s’installer en Israël ou rester en Inde. Bien que l’émigration soit considérablement inférieure à celle des années qui ont suivi l’indépendance de l’Inde, en 1947 (il y eut un exode massif après la formation d’Israël, en 1948), le nombre de juifs à Bombay ne cesse de diminuer. Tant les Bene Israël (littéralement, “fils d’Israël”), qui ont échoué sur la côte occidentale de l’Inde après un naufrage il y a deux mille ans, que les juifs baghdadis, des marchands qui ont fui l’oppression en Irak au XVIIIe siècle, font de leur mieux pour garder, comme le dit l’auteur indienne juive Esther David, “les jeunes dans le bercail”.
A la synagogue de la porte de la Pitié du quartier de Thane, le mikveh (bain rituel), vieux de 80 ans, a été remis en service pour que les jeunes femmes puissent venir s’y purifier après leurs règles. Des garçons apprennent à jouer du schofar, la corne de bélier en usage dans le rituel israélite, et à parler hébreu. En dehors des lieux de culte, les organisations communautaires encouragent les jeunes de la diaspora à construire une solide communauté en Inde.
La branche locale de l’American Jewish Joint Distribution Center (AJDC) encourage par exemple les jeunes à pratiquer la tsedaka, qui signifie “droiture” (et qui est interprétée comme la charité ordonnée par Dieu). Celle-ci prend diverses formes : préparer deux fois par jour des repas à emporter à des couples de coreligionnaires indigents, abandonnés par leurs enfants émigrés, aller les voir régulièrement et même célébrer leurs anniversaires avec eux. L’AJDC gère aussi le Birthright Program, qui finance le premier voyage en Israël de jeunes juifs. En Inde, les pratiques conservatrices sont d’ailleurs observées par les jeunes avec une rigueur étonnante. Nathaniel et Avniel Jhirad, deux frères adolescents, n’éprouvent aucune difficulté à éteindre l’électricité le jour du shabbat, même si cela signifie étudier sans climatisation par une chaleur accablante. Palkar a refusé un travail en or dans la grande entreprise indienne de télécommunications Reliance parce qu’il lui aurait fallu travailler le samedi. Et puis il n’hésite pas à affirmer : “Je veux une jeune fiancée de sang juif pur.” Pourtant, d’autres cas viennent contredire cette tendance, comme celui d’Israël Phansapurkar, 20 ans, qui s’est rendu en Israël pendant dix jours dans le cadre du Birthright Program. “Ils nous ont fait visiter et nous ont dit qu’on pourrait toujours y venir, se souvient Israël. Mais mon pays, c’est l’Inde.” Le scénariste Bunny Reubens fait encore plus intensément écho à ce sentiment : “Quand j’étais jeune, j’ai jeûné et j’ai prié sans m’arrêter pendant vingt-quatre heures le jour de Kippour, le Grand Pardon… Pourtant, je me considère d’abord comme indien et j’adore Bombay. Je reste connecté à mon histoire et aux traditions juives, mais, si on me demande de choisir, je prends l’Inde sans hésiter.”
80 % des 4 480 juifs indiens vivent dans la capitale économique
Dans un village tranquille d’Alibaug, sur la côte au nord de la capitale économique du pays, David Reuben Vaskar, le dernier des presseurs d’huile juifs, éprouve la même chose. Deux de ses fils se sont installés en Israël il y a treize ans, mais Vaskar n’envisage même pas d’aller les voir. “Qu’est-ce qu’ils font là-bas ? ricane-t-il. Ils ne peuvent même pas envoyer 200 roupies par mois (3,50 euros) à leur papa.” Il est vrai que Vaskar connaît plus de succès en affaires que ses fils. Il possède une petite plantation de cocotiers et un atelier de menuiserie. Cet homme de 73 ans continue d’extraire de l’huile, comme l’ont fait ses ancêtres Bene Israël, génération après génération, au cours des deux mille dernières années. Les choses n’ont pas beaucoup changé, explique-t-il dans un marathi courant, la langue locale, sauf que les bœufs ont disparu et qu’à présent tout est mécanisé.
Ses yeux gris et sa peau plus claire le mettent à l’écart des autres villageois de ce hameau côtier de l’Etat du Maharashtra, dans l’ouest du pays. Et puis il y a l’étoile de David qui marque la façade de sa maison, et les visites en famille à la synagogue bicentenaire toutes les semaines.
Les ancêtres de Vaskar ont fui Jérusalem il y a deux millénaires, après la chute du second temple du roi Salomon, aux mains des Romains. Naufragés au large d’Alibaug, les premiers arrivants adoptèrent un métier local et ne tardèrent pas à être connus sous le nom de “Shaniwar Telis” (presseurs d’huile du samedi) à cause de leur observance du shabbat. Au fil du temps, ils adoptèrent aussi des patronymes locaux comprenant le suffixe “kar” et découvrirent qu’ils pouvaient cuisiner le lait de coco sans enfreindre les lois casher, qui interdisent de mélanger lait et viande. La noix de coco, le kokum, le tamarin et le safran, des ingrédients si typiques de la cuisine indienne, trouvèrent aussi leur place dans les plats des Bene Israël. Les exemples de la façon dont ils ont absorbé les influences indiennes sont multiples, des cérémonies du henné lors des mariages aux publications de livres de prière en marathi, en passant par la présence d’idoles représentant le prophète Elijah dans presque tous les foyers juifs, alors que leur religion interdit de montrer et d’adorer des images. Une chose toutefois a traversé le temps sans modification : la mémoire collective de la prière Shema Israel : “Ecoute, ô Israël, l’Eternel, notre Dieu, est un.” C’est cette même prière que Vaskar enseigne à ses petits-enfants. Au cours des deux mille années qui se sont écoulées depuis ce naufrage mythique, la Shema a été transmise oralement, de père en fils, de mère en fille. Qu’est-ce qui a permis aux Bene Israël, la communauté juive la plus importante et la plus ancienne de l’Inde, de conserver leur foi tout en étant isolés des autres juifs du monde ? Pour Esther David, c’est “rien de moins qu’un miracle”. L’Inde est le seul pays au monde, ajoute-t-elle, où les juifs ont échappé à toutes les persécutions (soit dit en passant, ils n’ont toujours pas été reconnus en tant que minorité). Mais ils sont loin de former une communauté homogène pour autant. Si les Baghdadis font du commerce en Inde depuis des siècles, ils se sont installés à Bombay longtemps après que les Bene Israël se furent adaptés au style de vie de la région. Ce sont des intérêts commerciaux qui ont attiré leur chef, David Sassoon, en Inde en 1832. On lui doit, ainsi qu’à ses fils, les synagogues Magen David et Kennyseth Eliahu, la bibliothèque David Sassoon, les docks Sassoon, l’école Jacob Sassoon, les moulins Sassoon, etc. Il n’y a plus de Sassoon en Inde aujourd’hui, mais la toponymie même de Bombay est un véritable mémorial à la famille. A l’époque où les Baghdadis prospéraient, les Bene Israël partirent vers le nord et arrivèrent en nombre dans la ville de Bombay, qui s’étendait à vue d’œil, pour chercher du travail. Soudain confrontés les uns aux autres, ils eurent des relations au mieux difficiles. “Les Baghdadis étaient une secte orthodoxe”, avance Solomon Sofer, président du Sassoon Trust. “Ils n’étaient pas sûrs des antécédents des Bene Israël, qui vivaient là depuis des siècles.” Benjamin Isaac, un Bene Israël de l’organisation communautaire ORT, fait preuve de moins de diplomatie : “Les Baghdadis étaient probritanniques et regardaient de haut les Bene Israël, qui portaient le sari et s’étaient rangés du côté des nationalistes indiens.”
Cette division entre les deux communautés poussa le grand-père du journaliste de cinéma Bunny Reuben à changer son nom de famille de Nagavkar en Reuben au début des années 1920, pour paraître plus occidental aux yeux de ses employeurs potentiels, les Sassoon. L’ancien mannequin Rachel Reubens, élevée par un Bene Israël et une Baghdadie, n’a pris conscience de ce fossé qu’après la mort de sa mère. “Cela m’a causé un choc immense, se souvient-elle. Ma sœur et moi nous marchions dans le cimetière… même là, les deux groupes étaient séparés.” Pourtant, le gouffre s’est rétréci ces dernières années. La communauté des Baghdadis ne compte pas plus de 80 membres dans la ville, elle a donc besoin des Bene Israël pour atteindre le quorum de 10 hommes pour les offices religieux. Dans les synagogues baghdadies de la ville, tous les hazzan (chantres) sont désormais des Bene Israël, alors que ces derniers n’avaient autrefois pas le droit de diriger les services.
“Si on me demande de choisir, je prends l’Inde sans hésiter”
Les répercussions de l’émigration se font en effet durement sentir. Les chiffres fournis par l’AJDC indiquent que 52 juifs indiens ont émigré en Israël en 2005, et que 21 autres étaient partis en mai 2006. De plus, les jeunes ont bien du mal à trouver un partenaire dans leur communauté. Les mariages interconfessionnels sont donc en pleine augmentation et, bien que les conversions étaient autrefois regardées d’un mauvais œil, elles ne sont plus si inhabituelles. Enfin, les offices du shabbat sont souvent peu fréquentés à Bombay et certaines synagogues ont même fermé après être restées vides pendant des années. Mais tout n’est pas rose non plus sur la Terre promise, comme l’a découvert le chef Moshe Shek. L’économie chancelle sous les coups de l’inflation, et les soulèvements palestiniens sont une perpétuelle menace. Ajoutez-y la “discrimination” contre les juifs séfarades à la peau plus foncée et vous comprendrez pourquoi la vie n’est pas si douce pour les 60 000 juifs indiens qui y vivent. “Je me sens plus juif à Bombay que quand j’étais en Israël”, confie justement Moshe Shek.
A l’instar de Moshe, d’autres émigrés, comme les fils de Vaskar, envisagent de revenir en Inde. D’autres se sont rendu compte que, si la vie en Israël n’est pas facile, c’est une étape nécessaire vers leur objectif, s’établir en Occident. Mais, même pour eux, le lien avec l’Inde reste vivant. Chaque année, des milliers de juifs indiens se rendent à Eilat, dans le sud d’Israël, pour assister au festival indien d’Hodu Yada et voir les films qui y sont projetés. A la fin des années 1990, un Marathi Sahitya Sammelan (Rencontre littéraire marathie) a été organisé en Israël. Le 1er mai dernier, des juifs indiens ont chanté en Israël des chansons en marathi lors d’une célébration de la journée du Maharashtra. Mai Boli, une publication trimestrielle en marathi imprimée en Israël, est d’ailleurs très populaire parmi eux.
Le Maharashtra et Bombay revêtent, on le voit, une signification particulière pour les juifs, chez nous comme à l’étranger. Le grand poète Nissim Ezekiel (1924-2004), figure juive la plus connue en Inde, ne le savait que trop bien. “Il est venu et a séjourné chez moi”, se souvient l’érudit Shalva Weil, de l’université hébraïque de Jérusalem. “Mais il aimait Bombay et ne pouvait vivre sans cette ville.”
Payal Kapadia et Suchi Srivastava
{ 2 commentaires… lisez-les ci-dessous ou ajoutez-en un }
Bravo JeanD
Cet article est pour celui qui se fait appeler Jean R.
Effectivement, il fallait très vite qu’il change de surnom…
Ce commentaire est-il pertinent?
0
0
Je crois que ce problème des juifs de diaspora qui ne veulent vivre en terre promise ne se trouve pas, qu’en Inde. En France ou Aux USA, les deux pays où il ya le plus de juifs hors d’Israël, ce problème existe aussi. Mais une chose que je sais c’est que personne ne choisit son identité. S’ils sont vriament juifs, il y a un jour qui arrivera où ce sont les chasseurs qui vont les chassés hors des nations où ils sont établis (Jérémie 16;15 à 18) et là ils seront obligés de rentrer qu’ils le veuillent ou non. Il y a une persécution qui va toucher les juifs des nations comme pendant la seconde guerre mondiale. Ce qu’on ne sait pas c’est qu’avant la guerre 39-45, Dieu a suscité des prophètes en Allemagne pour leur dire de rentrer en Israël. A cause de la prospérité et du confort, ils n’ont pas voulu. Par la suite ,il est arrivé ce qu’on connaît tous. On voit l’antisémitisme monté partout. Avec l’apparition de l’antéchrist, l’antisémitisme sera à son apogée et là ils rentreront en Israël malgré eux. La Parole de Dieu doit s’accomplir coûte que coûte et Dieu veille à se qu’elle s’accomplisse. Il aurait préféré le faire avec le consentement des hommes mais sans leu consentement il le fera quand même. Tous les livres prophétiques de la première alliance disent que Dieu restaurera Israël et les 12 tribus afin que le Messie et Sauveur Jésus-Christ puisse régner pendant son millénium. Le Seigneur Jésus lui même n’a t’il pas promis aux disciples qu’ils jugeront un jour les 12 tribus. Ils reviendront tous ce n’est que le début. Dieu est un Dieu de restauration comme il restaure nos vies brisées autrefois par le péché, il restaure pareillement Israël de ses iniquités passées.
Ce commentaire est-il pertinent?
0
0
Vous devez vous connecter pour poster un commentaire.