Pour aborder clairement ce thème, il faut définir correctement la signification du mot œcuménisme. Son origine est grecque (oikoumené) et se traduit par «[toute] la terre habitée», induisant l’idée de l’universalité. Son sens exprime donc une idée de rassemblement, dans la perspective la plus large possible.
Dans l’histoire du christianisme, son emploi a été presqu’exclusivement catholique (du gr. katholikos : universel) jusqu’en 1927, date à laquelle il a été réactualisé, par la création d’un Conseil Œcuménique des Eglises.
Le rapprochement des églises et dénominations chrétiennes s’est aujourd’hui généralisé sous cette impulsion initiale, avec l’ambition avouée de concrétiser l’union vivante autour du Chef de l’Eglise, c’est-à dire Dieu.
Parler d’œcuménisme chrétien est presque un pléonasme, car qui cherchera naturellement à rassembler en Christ, sinon justement le chrétien ?
Le Seigneur a dit : «Il y aura un seul troupeau, un seul berger» (Jean 10/16), et nous connaissons ainsi Sa volonté, à savoir que Ses enfants marchent «dans un seul Esprit» et “combattent ensemble d’une même âme ” (Phil. 1/27). Hélas, nous devons bien admettre que ceux qui ont reçu «la réconciliation» (Rom. 5/11) ont eu au cours des siècles une fâcheuse tendance à se disputer et se diviser … en un mot se faire la guerre.
Le christianisme est donc, de fait, en contradiction avec l’un de ses principes fondamentaux.
Cela vient-il du fait que seul, «celui qui est uni au Seigneur est un seul esprit [avec lui]» (1 Corinthiens 6:17) ? Sans doute faut-il voir dans cette révélation-là l’explication de beaucoup d’échecs.
Il semble que les divisions soient inéluctables aussi longtemps que les hommes ne renoncent pas à leurs plans, n’abandonnent leurs interprétations, ne déposent entre les mains de leur Maître les clés de leurs vies.
L’humanité est sans doute encore aujourd’hui sous la malédiction de Babel, au travers de laquelle toute union humaine véritable a été rendue impossible par l’Eternel (Gen. 11/9), et qui ne prend fin qu’en Lui.
Seuls, ceux qui sont effectivement en Jésus-Christ (je ne dis pas virtuellement par l’œuvre accomplie à la croix, mais effectivement par leur propre mort en Lui et donc leur résurrection par Lui) sont libérés de cette malédiction. Cela nous conduit à dire que la volonté de Dieu n’est pas que les hommes s’unissent pour accomplir Sa volonté (et fassent de cette union un but en soi), mais que les hommes s’unissent à Lui pour être un seul Esprit avec Lui.
C’est tout différent. Le reste Lui appartient; soyons certains qu’Il saura donner ensuite à Son corps ainsi formé les impulsions qu’Il désire.
Il s’agit là d’un programme humainement moins ambitieux que la réussite de l’œcuménisme, mais à la portée bien plus profonde.
L’union chrétienne est une excellente chose — qui songera à le nier — puisqu’elle est dans le cœur de Dieu : «ainsi nous qui sommes plusieurs, sommes un seul corps en Christ» (Rom. 12:5), mais il convient d’être prudents sur la forme qu’on veut lui donner.
On souhaite aujourd’hui créer une puissance religieuse, un contre-pouvoir spirituel au réel poids social, pour lutter contre la déliquescence morale de notre temps, et il semble que ce soit là un bon raisonnement; pourquoi «il semble»?
Examinons ce qu’a fait Jésus en des circonstances semblables, lui qui possédait ce pouvoir de changer les choses :
Il prit la direction de la croix, montrant ainsi le chemin pour ceux qui veulent véritablement Le servir, accomplir Ses desseins et changer le monde. Il n’a pas même tenté de rapprocher les diverses composantes religieuses d’Israël. Ses disciples l’ont-ils fait après Lui ? Pas davantage.
Des exhortations sont certes là pour montrer toujours la direction de l’union (vers Christ, et non pas vers un «édifice» religieux), mais aucun signe de compromis spirituel n’est donné pour prix d’unions religieuses extérieures …
Un risque certain guette donc ceux qui veulent accomplir cette vision effectivement juste, par des moyens cependant non conformes au plan établi par Dieu.
Nous sommes face à une chose qui est dans le cœur de Dieu, mais qui n’est possible que par la puissance du Saint-Esprit agissant dans les cœurs, dans une adhésion sans faille à la Parole de Dieu, sans découpages ni raccords doctrinaux, sans bricolages ni compromis avec la Vérité.
Devant cette évidence, celui qui aura à cœur l’unité du peuple de Dieu ne pourra que désespérer. Car la tâche est humainement irréalisable, sauf à se servir de substituts pseudo-spirituels et d’un recours au pragmatisme.
A la base de l’édifice de l’esprit œcuménique d’aujourd’hui se trouve effectivement la Parole de Dieu, et la direction qu’elle donne (dans le sens de construire, édifier, unir ensemble,…). Mais la «maison» qui sortira des mains de ses artisans ne ressemblera pas à la «maison de Dieu». La moderne Béthel qui verra le jour bientôt n’existera que grâce aux compromis doctrinaux et à la volonté des hommes de pouvoir de la sphère religieuse, les «chefs du peuple». C’est pour cette seule raison que cet “édifice” verra effectivement le jour, duquel sortira «l’homme de péché» (2 Thes. 2/3), animé d’un esprit semblable à l’Esprit de Dieu, et qui en entraînera beaucoup.
C’est pourquoi il est important aujourd’hui d’affirmer avec force que seule une union par le Saint-Esprit pourrait être agréée de Dieu. Un grand dommage nous frapperait si nous cherchions à unir les composantes chrétiennes sans l’Amour de Dieu comme ciment, mais avec nos sentiments :«…c’est de lui [Christ], et grâce à tous les liens de son assistance, que tout le corps, bien coordonné et formant un solide assemblage, tire son accroissement selon la force qui convient à chacune de ses parties, et s’édifie lui-même dans l’amour» (Éphésiens 4:16).
Que disent les Ecritures à propos de l’époque qui précède la fin des temps ? Voyons-nous un peuple de Dieu prospère, uni, puissant, influent ? En vérité non. Le Fils de l’homme s’interroge pour savoir s’Il trouvera, à Son retour, de la foi sur la terre (Luc 18:8). Quel est donc le visage du christianisme de la fin des temps ?
Il possède «l’apparence de la piété» (2 Tim. 3:5), c’est-à dire qu’il est possible de se tromper sur sa nature exacte, vu de l’extérieur.
C’est seulement quand le besoin se fait sentir de «la force de la piété», que l’on peut alors reconnaître l’arbre à son fruit. Et contrairement à ce qui est prêché dans maints endroits, «la force de la piété» n’est pas «l’onction», n’est pas non plus «la puissance» du Saint-Esprit qui renverse, qui distribue de l’huile, de l’or ou d’autres choses qui restent encore à venir, mais une chose que ni homme, ni ange, ni démon ne peut imiter (car les démons savent accomplir des miracles, voir Apoc. 16:14), une chose que rien ne peut acheter (Cant. 8:7 et 1 Cor. 13), une chose qui n’est pas même “prêtée” par Dieu (comme un autre de Ses dons, ou une onction particulière), c’est-à dire l’amour, comme le fruit spirituel et éternel de notre rapprochement, de notre union réelle avec Lui, et de notre transformation à Son image.
article de Jérôme Prékel/paru dans le n°30 du Sarment
22 11 2005
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